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Europe : Les guerres qui se rapprochent

[Cet édito est également disponible en ukrainien.]

Géorgie 2008, Syrie 2011, Donbass-Crimée 2014, Ukraine 2022, Arménie 2022-2023, Israël 2023… et ensuite ?

Les violations des règles jusqu’ici acceptées du droit international par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ont partout libéré les pulsions guerrières. Les ressentiments accumulés se sont transformés en agressions violentes tout autour de nous. La guerre est de retour, expression ultime de la loi de la force au service du fait accompli.

Elle se rapproche de l’Europe qu’elle interpelle déjà parce que ses dimensions dépassent la simple géographie. Il ne s’agit plus seulement de différends territoriaux, il est question désormais d’un rejet global des démocraties et de l’Occident.

L’Union européenne est concernée au premier chef.  Elle n’est ni un Etat ni un empire et n’a jamais voulu s’armer collectivement parce qu’elle était construite pour la paix. Sera-t-elle capable de franchir le seuil qui lui impose de disposer de suffisamment de forces pour crédibiliser sa diplomatie ?

Dans la négative, elle continuera à multiplier les déclarations outrées chaque fois qu’une nouvelle aventure militaire, même proche, l’affectera. Comme pour l’Arménie. Elle ne peut même pas offrir à ses voisins les garanties de sécurité que devrait conférer l’adhésion à ses traités. Qu’en sera-t-il donc de l’élargissement prochain qu’on nous annonce comme incontournable ?

Il lui faut maintenant faire l’apprentissage de la force. C’est-à-dire inventer un mécanisme entre ses membres qui lui permette de garantir, au besoin par la contrainte, l’intégrité de son modèle politique, de ses intérêts et de ses alliés. Beaucoup doutent que cela soit possible.

Pour obtenir le respect d’acteurs de plus en plus débridés, les Européens ne peuvent pas faire l’impasse sur la question militaire. Il n’est pas question de guerroyer comme notre histoire nous l’a tant montré, mais seulement de se doter de capacités d’action crédibles et dissuasives pour ne pas être humiliés, ici par des terroristes, comme en Iran, là par des dictateurs, comme en Russie, en Azerbaïdjan ou en Turquie, ailleurs encore comme au Sahel ou plus proche de nous, le président tunisien crachant sur l’aide européenne destinée à l’aider à endiguer l’immigration illégale.

Les citoyens européens voient se rapprocher les menaces. L’indécision de leurs gouvernements jusqu’ici engoncés dans leurs réflexes nationaux et incapables de s’accorder à 27, renforcent leur angoisse. Ceux-ci doivent faire preuve de courage, de créativité et imaginer des solutions permettant à l’Union européenne d’être présente sur le terrain quand elle l’exige, pas seulement par ses crédits et ses aides désintéressées. Ne pourrait-on pas imaginer, comme les traités le permettent, que certains Etats membres agissent militairement pour le compte de tous ?

L’Union européenne découvre la nécessité de se penser plus indépendante, mais à son rythme, dépassé par l’enchaînement des circonstances. Elle se veut plus autonome, plus réactive, multiplie les lois pour protéger ses savoir-faire, son économie et son niveau de vie, mais c’est encore insuffisant.

Car dans la hâte on réarme en espérant qu’il ne soit pas trop tard ; on se rassure dans les grandes alliances ; on ne cesse « d’appeler à la retenue » d’acteurs de la scène internationale qui justement s’en affranchissent, on tergiverse et, bien sûr, on met tout en œuvre pour éviter le recours à la force armée. Les différentes traditions nationales s’affrontent et conduisent finalement à l’inaction collective.

Etre décidé à utiliser l’outil militaire, tout en souhaitant n’avoir pas à le faire est pourtant la meilleure garantie de la paix, de nos intérêts et de nos alliances.

D’autres que nous, de plus en plus proches, n’ont pas le choix et sont contraints de prendre les armes pour défendre leurs peuples, mais aussi des valeurs que nous partageons. En se réveillant trop tard, l’Europe prend le risque d’être un jour, à son tour, surprise et agressée par cet axe du mal qui prend corps sous nos yeux, de Moscou à Gaza, de Téhéran à Bakou, de Pékin au Sahel.


 


 

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