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Olaf Scholz et Emmanuel Macron, accompagnés de leurs parlements, ont célébré à Paris le soixantième anniversaire du Traité de l’Elysée qui organisait une relation spéciale, sans équivalent entre deux pays, et qu’avait rendue possible, au nom de la France, Robert Schuman le 9 mai 1950.
L’amitié franco-allemande, ce n’est pas une fiction ou un slogan, c’est une construction politique lente et patiente, faite de coopérations et de dialogues quotidiens, politiques, diplomatiques, administratifs et techniques.
C’est, en effet, un besoin impératif pour l’Union européenne que la France et l’Allemagne parviennent à s’entendre alors que leurs traditions et leurs réflexes souvent les opposent. Sans l’accord de l’un ou de l’autre, il n’y a pas de décision européenne.
Bien sûr l’entente entre les deux pays ne suffit plus dans une Europe à 27, diverse et en constant élargissement. Mais les deux partenaires sont aussi garants de l’Union qu’avec d’autres ils ont fondée. Elle n’est pas un menu « à la carte » où l’on pourrait faire l’impasse sur l’un des piliers fondamentaux de la construction communautaire, par exemple la défense des valeurs démocratiques et l’Etat de droit, tout en profitant de ses généreux crédits et de ses efficaces protections.
Elle est un engagement de chaque jour pour bâtir un avenir dans un contexte mondial en plein bouleversement.
De ce point de vue, la politique intérieure trouble parfois le jeu. La coalition au pouvoir en Allemagne a semblé privilégier la réparation de nombre de décisions malheureuses en matières énergétique, économique et diplomatique. Emmanuel Macron et la France ont pris un peu d’avance dans la proposition d’une vision d’une Europe forte, plus autonome, souveraine ; et Olaf Scholz lui a d’ailleurs rendu publiquement hommage pour cela.
L’histoire, les traditions, les faits pousseraient naturellement l’Allemagne et la France à faire des choix nationaux différents ; par facilité, pesanteur ou réflexe. Mais dès que nos dirigeants haussent leurs regards vers l’avenir, ils confirment qu’en l’absence de ce grand pôle de stabilité que représente au cœur du continent une alliance franco-allemande de 150 millions d’habitants et plus de 6 000 milliards € de richesse annuelle produite, il n’y aura ni indépendance ni puissance de l’Europe.
C’est ce qu’Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont voulu faire ce 22 janvier 2023 en se projetant résolument vers le futur. Ils ont rappelé l’engagement résolu de leurs pays pour une Europe enfin plus responsable en matière de sécurité, plus volontariste pour soutenir son économie et l’aider à réussir les transitions numériques et environnementales. Alors que l’Union européenne est publiquement attaquée par un Poutine révisionniste et expansionniste qui la met au défi de répliquer, les deux dirigeants européens, avec leur volonté réaffirmée, en relançant leur entente avec force symboles, mais sans cacher les nuances et les divergences, offrent aux Européens plus que des perspectives, de vraies chances pour l’avenir.