La disparition d’Elizabeth II et l’avènement de Charles III coïncident avec la désignation d’une nouvelle Première ministre, Liz Truss.
C’est bien la fin d’une époque et donc une ère nouvelle, qui s’ouvre pour la Grande-Bretagne.
Les 70 ans du règne de la Reine Elisabeth ont coïncidé avec une page spéciale de l’histoire britannique. Vainqueur incontestable de la lutte contre le nazisme, l’Angleterre est sortie de la Seconde Guerre mondiale affaiblie et endettée et a dû procéder à la déconstruction du plus grand empire de la planète, qui comptait alors 400 millions d’âmes. Sa ténacité et son ouverture au monde lui ont permis de se redresser jusqu’au rang de 5ème puissance économique mondiale. Puis vinrent les divisions, celles du Brexit, de ses nations de plus en plus désunies, les frasques des jeunes pousses de la famille royale, l’isolement à deux pas de l’Europe, les guignoleries coûteuses d’élus fantasques.
Celle qui, dans les années 1940, fut secouriste dans les bombardements de Londres et que Winston Churchill a initié aux règles alambiquées de la monarchie constitutionnelle, a su incarner en toutes ces occasions l’unité du Royaume parce qu’elle symbolisait l’histoire glorieuse de son pays et un trait d’union avec son présent. C’était le monarque de la nostalgie enrobée de beaucoup de finesse et d’intelligence, drapées dans d’éloquents silences. Grâce à elle, la monarchie britannique continuera à régner sur ces îles si mondialisées à travers son fils qui a eu le temps d’acquérir une immense expérience des affaires internationales. Il va la moderniser au moment où le pays se dote d’une nouvelle Première ministre, bien décidée aussi à agir par elle-même et de manière plus pragmatique qu’idéologique.
Elle vient de le démontrer en annonçant, malgré ses déclarations antérieures, un plan de soutien massif à ses citoyens et aux entreprises pour contenir l’envolée des coûts de l’énergie en mobilisant plus de 100 milliards de £ de crédits publics. On pressent par ailleurs qu’elle ne voudra pas s’embarrasser d’un conflit avec l’Union européenne qu’elle avait pourtant elle-même nourri en reniant les engagements pris envers l’Irlande lors de la signature du traité de séparation avec le continent.
Au contraire, on peut espérer qu’elle normalise discrètement ses relations avec les 27, qui ne lui demanderont pas de l’avouer, sans remettre en cause le vote du Brexit désormais minoritaire dans le pays. C’est son intérêt et celui de ses concitoyens pour faire face à la crise et à Poutine.
Pour les Britanniques, outre la tristesse et l’émotion c’est donc une bascule franche et forte qui s’opère. La période l’après-guerre, qui coïncide avec le règne de sa défunte souveraine, s’arrête brutalement. Ils pouvaient encore se targuer d’être les seuls en Europe à figurer dans le camp des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et à regarder de haut cette « coalition de perdants » que représentait à leurs yeux l’Union européenne. C’est fini ; ce chapitre est clos. Et leurs difficultés économiques et sociales du moment constituent un défi d’autant plus redoutable qu’ils ont choisi de l’affronter seuls.
Le pays a tous les atouts pour le relever s’il retrouve ce pragmatisme qui l’a longtemps caractérisé et rompt avec le dogmatisme d’un populisme qui l’a usé. Les ors et la pompe qui vont entourer les hommages à la reine ne doivent pas les masquer ni faire illusion, mais le Royaume-Uni est bien capable de nous offrir un nouveau visage.