Avec plus de 3 000 milliards € mobilisés par toutes les institutions européennes, de la Banque centrale européenne à la Commission en passant par le Conseil européen et le Parlement, le plan de relance européen a été massif et à la hauteur des autres grands ensembles politiques dans le monde. Il a surtout marqué, au sein de toutes ces instances, des évolutions considérables. L’Europe a été au rendez-vous.
Avec l’abandon de l’Afghanistan, l’inquiétude née des pulsions de Donald Trump est devenue une certitude chez beaucoup des alliés européens de l’Amérique : Ils doivent penser et protéger leurs intérêts avec leurs propres moyens et surtout leur expérience si particulière. Celle-ci est plus ancienne, plus profonde et donc bien plus raisonnable s’agissant de la paix et de la guerre, de la diplomatie et du droit. Après tout si les Européens avaient été consultés et écoutés sur l’Irak, l’Iran, la Syrie, la diplomatie américaine n’aurait peut-être pas connu une telle succession d’échecs. L’Europe est conduite à renforcer la solidarité entre ses membres, qui sont d’ailleurs en train d’élaborer une stratégie commune qu’on appelle « la boussole ». Pour la première fois, l’Europe pense et parle stratégie.
L’Union européenne est en train de faire sa mue plus rapidement que prévu. Il reste certes beaucoup à faire et il est toujours difficile d’obtenir l’unanimité des Etats membres. Mais on doit aussi compter sur la France, qui va présider le Conseil au premier semestre 2022, pour accélérer la course entamée vers plus d’efficacité. Emmanuel Macron, son président, avait appelé de ses vœux nombre des évolutions récentes. Les circonstances ont plébiscité ces intuitions françaises désormais davantage partagées. Gageons que les petits réflexes provinciaux, ceux des frugaux, des conservateurs et des égoïstes qui s’y opposent, ne résisteront pas longtemps à la nécessité. L’Europe ne peut pas rester le seul continent à refuser de s’endetter pour investir et à ne pas utiliser sa monnaie au profit de sa croissance, alors que les besoins d’investissements dans les technologies et le verdissement sont plus importants que jamais et qu’à corseter son économie, elle affiche un retard de croissance sur ses grands concurrents.
L’Union européenne n’a pas d’autre choix que d’assumer et développer sa puissance et pour cela d’abandonner beaucoup de ses dogmes. Ses politiques économiques et budgétaires, ses interdits diplomatiques et militaires, ses strictes règles juridiques et ses prudentes pratiques politiques étaient parfaitement calibrés pour une construction progressive par temps calme. Les circonstances ont brutalement changé et nous sommes entrés dans une période de grands vents. La crise sanitaire a montré qu’elle était capable de s’adapter rapidement. Mais il ne s’agira pas cette fois-ci de simples adaptations. Il est question de grands changements. Les mois à venir diront si l’Europe saura faire sa révolution.