2020 ne sera pas que l’année des confinements ! Elle pourrait bien être aussi celle d’un réveil européen. L’Union a été réactive aux défis qui lui étaient lancés. Elle ne s’est pas contentée de réagir, elle a aussi innové dans nombre de domaines.
Quand en mai Angela Merkel et Emmanuel Macron élaborent un plan de réaction à la crise sanitaire, personne ne peut alors imaginer que cette initiative donnerait lieu au plus grand plan de relance jamais engagé au niveau européen. Les 27 décident en juillet de mobiliser 750 milliards €, dont la moitié pour subventionner celles des économies ébranlées par le virus venu de Chine. Ils confirment par ailleurs très vite une enveloppe budgétaire de 1 074 milliards € pour les 7 ans à venir. Christine Lagarde, de son côté, avait montré la voie en faisant jouer à la Banque centrale, le seul véritable outil européen totalement fédéral, le rôle de garant en dernier ressort, capable d’irriguer l’économie européenne de crédits inédits. Plus de 1 200 milliards seront ainsi mobilisés. La réaction européenne aux conséquences de la pandémie est sans équivalent ; elle est rapide, massive et convaincante.
Face à la crise sanitaire, l’Union ne s’est pas laissé prendre de court trop longtemps. La première surprise passée, la coordination des réponses s’est mieux organisée que prévu, bien que la politique de santé ne figure pas au nombre des compétences des institutions communes. Les sommes mobilisées pour la recherche ont été considérables ; d’ailleurs, le premier vaccin a été inventé par des chercheurs européens. Pour la première fois, les Européens ont acheté en commun leurs vaccins, garantissant ainsi à tous les citoyens du continent l’accès à ce qui apparaît bien comme le meilleur rempart au virus, dont le déploiement demeure néanmoins du ressort de chaque Etat...
2020 c’est aussi l’année du Brexit, une mauvaise nouvelle pour tout le monde, un gâchis, une amputation pour l’Europe, une erreur – une de plus – pour le Royaume-Uni dans ses relations avec ses partenaires du continent. Effectif le 31 janvier, l’accord de divorce est agréé relativement facilement malgré 47 ans de vie commune. Les relations futures sont encadrées par un accord de libre-échange négocié en un temps record et adopté in extremis. Les Britanniques n’ont rien obtenu, ni la division des membres de l’Union, ni les avantages exorbitants dont ils rêvaient éveillés. Le pire est cette fois évité alors que les Européens avaient été incapables de retenir les populistes « brexiters », n’imaginant pas que l’ex plus grand empire maritime du monde pourrait ainsi renier ce qui avait fait sa fortune : un adepte du libéralisme et un chantre de l’ouverture au monde. Il faudra composer avec un voisin désormais replié sur lui-même, plus calme à l’extérieur qu’il n’était turbulent à l’intérieur, mais durablement affaibli et instable. Les Européens, grâce à Michel Barnier, ont fait ce qu’il fallait.
Mais ils ont aussi largement innové. Margrethe Vestager avait ouvert la voie. Thierry Breton, bulldozer médiatique et homme d’expérience, a mis sur la table la première régulation au monde des géants qui ont colonisé la sphère numérique et largement monétisé les libertés qu’elle offrait. Ses deux projets de règlement constituent une innovation dont les autres grandes puissances vont s’inspirer. Déjà, les Etats fédérés américains se coalisent pour poursuivre ces monopoles et leurs abus. Même le parti communiste chinois suit l’exemple en s’en prenant à Alibaba. L’Europe montre la voie, comme elle l’a fait avec le Règlement général sur la protection des données, désormais standard mondial copié et envié.
En outre, les Européens ont réitéré leur engagement à être exemplaires en matière environnementale, augmentant leurs objectifs de réduction d’émission pour viser à la neutralité carbone en 2050. Ils se sont appliqués de nouvelles disciplines en la matière et ont introduit dans leurs négociations commerciales l’obligation de satisfaire aux engagements de l’Accord de Paris. Cela a été le cas pour l’accord de libre-échange avec le Royaume-Uni. Ce fut aussi à l’ordre du jour des négociations menées avec la Chine.
Pour établir la réciprocité en matière de protection des investissements, de la propriété intellectuelle, d’accès aux marchés publics, l’Union a en effet été en mesure de conclure avec la Chine un accord ambitieux après sept années de discussions. Il est vrai que l’incompréhensible pas-de-deux du président américain avait troublé le géant asiatique, mais cet accord traduit simplement une réalité : Le marché intérieur européen demeure le premier du monde et la puissance commerciale de l’Union égale celle de la Chine. L’Europe est bien un acteur mondial et l’on peut se féliciter qu’elle ait trouvé en Josep Borrell le ministre des Affaires extérieures qui lui manquait, sans langue de bois, doté d’un solide bon sens et d’une vision prospective, alors que les relations internationales connaissent tant de bouleversements. Un grand succès.
Ces atouts aujourd’hui valorisés ne suffisent pourtant pas à assurer à l’Union européenne le rang qui doit être le sien sur la scène internationale. Pour cela, 2020 a enregistré de nouvelles avancées. La coopération de défense a progressé entre les Etats membres. A l’initiative de la France, les enjeux africains sont désormais au cœur des réflexions européennes, la dimension maritime de la géopolitique s’impose peu à peu et les programmes européens (Fonds européen de défense, Coopération structurée permanente, etc.) se développent. Le contexte et le voisinage immédiat de l’Union n’y sont pas pour rien. Donald Trump non plus !
Mais il faut aussi saluer les décisions de la Chancelière allemande, dont le pays assumait la présidence du Conseil au second semestre 2020. Elle ne fut pas souvent à l’initiative, mais elle a toujours été au rendez-vous de l’Europe.
Que ce soit pour autoriser les institutions communes à emprunter, pour tenir compte des dérives américaines dans les relations transatlantiques, pour maintenir l’unité des 27 alors que certains gouvernements n’ont pas résisté au populisme, pour négocier des compromis habiles et faire preuve de patience avec des Etats qui attendent beaucoup de l’Union et lui donnent assez peu, elle a privilégié chaque fois les choix européens. Le Président français - assumant parfaitement le rôle qui échoit depuis l’origine à son pays : inventer, innover, proposer, piquer si nécessaire mais anticiper - a été pour elle un partenaire solide et convaincu. Pour l’Union, il est toujours en avance et son apport toujours positif. Il fait bouger l'Europe, qui en a besoin! Quant au couple franco-allemand, qui agace tant les autres, mais qui demeure indispensable, il n’est jamais aussi fort que lorsqu’il prend en compte l’intérêt supérieur de l’Europe et qu’il travaille, dans la durée, à préparer l’avenir des Européens.
2020 a marqué, en ce sens, une quasi-révolution. L’Union européenne a prouvé qu’elle n’est pas seulement résiliente, résistante, solide et puissante, elle est aussi agile, réactive, attirante, en avance sur son temps dans nombre de politiques et ses valeurs se révèlent d’une modernité à l’image de son glorieux passé : ce sont ses meilleures forces pour l’avenir.