Les Etats-Unis votent le 3 novembre et quelques jours plus tard nous devrions connaître le successeur de l’inattendu président qu’elle s’est donnée il y a 4 ans. Les Européens souhaitent très majoritairement que le sortant ne soit pas réélu.
Si son challenger l’emporte, le monde, les Américains et leurs partenaires gagneront un interlocuteur plus poli, moins imprévisible et certainement plus sensé. Pour autant, ils auraient tort de croire que la relation transatlantique redeviendra ce qu’elle a été pendant la Guerre froide.
Défiés par la Chine, qui leur conteste le leadership mondial, les Etats-Unis ont depuis un moment déjà tourné leur regard vers l’Asie et ils se méfient désormais plus ouvertement de cette Europe qui s’unit. Elle est trop riche, enchaîne les succès commerciaux et même si son modèle politique et social est moins agile parce que plus juste et plus solidaire, elle est devenue un rival économique. Si, de surcroît, elle commence à peser sur la scène internationale, à y défendre ses intérêts et donc à s’émanciper, elle deviendra vite un « ennemi », ce que l’actuel résident de la Maison blanche a d’ailleurs un peu trop vite déclaré.
Quel que soit le président et le Congrès américains, outre-Atlantique, l’heure est au repli, à un nationalisme parfois agressif et à un égoïsme envahissant. Cela les conduit à entretenir des ennemis bien commodes, comme la Russie, à fermer les yeux sur des partenaires dangereux comme la Turquie, à tenter d’imposer la loi américaine hors de ses frontières, à agir unilatéralement un peu partout et à saper systématiquement le semblant d’ordre international qu’ils avaient construit. On est loin des valeurs que l’Amérique a incarnées : la Liberté, la Démocratie et les droits de l’Homme. Les Etats-Unis n’ont pas accepté la Cour pénale internationale et la menacent même. Ils se sont retirés de l’UNESCO, du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, de l’Accord de Paris, n’ont pas ratifié la Convention de l’ONU sur le droit de la mer (Montego Bay) qu’ils exigent de voir appliquée par d’autres, etc.
Les Européens vont devoir vivre longtemps avec des Etats-Unis peu coopératifs et doivent donc apprendre à pratiquer ce partenaire puissant et difficile en s’efforçant d’être eux-mêmes. Ils doivent, si nécessaire à quelques-uns, définir ce qu’ils veulent faire avec l’Amérique et pas seulement attendre qu’elle le leur dise. Il faudra, pour le moins, avoir un dialogue franc et approfondi sur la réalité de ces valeurs longtemps partagées et leur traduction contemporaine.