La situation politique inextricable dans laquelle se trouve le Royaume-Uni à propos du Brexit résulte directement de l’incapacité de sa classe dirigeante à trouver une solution au problème qu’elle a créé.
L’élite politique britannique n’est plus ce qu’elle était.
Dès l’origine , le référendum, qui s’est tenu le 23 juin 2016, n’a été qu’un palliatif destiné à résoudre un problème interne au parti conservateur. Diviser à ce point le pays qui a inventé la démocratie parlementaire pour départager des clans pourrait, historiquement, s’apparenter à un vrai crime.
Dès l’ouverture des négociations de l’accord de retrait, la Première ministre Theresa May a tout fait faux. Traduire les résultats forcément populistes d’un référendum en propositions raisonnables et rationnelles, est vraisemblablement impossible (Qu’on se le dise!). Mais la manière dont elle l’a fait démontre une méconnaissance abyssale des réalités européennes et internationales. En fixant des « lignes rouges » (sortie de l’union douanière, du marché unique) que personne ne lui demandait, elle se privait de toute marge de négociation alors que la Turquie est en union douanière avec l’Union et que la Norvège a accès à son marché unique!
En partant, flamberge au vent, sans préparation, négocier avec 27 Etats membres rien de moins qu’un divorce après 43 ans de vie et de législation communes, elle sur-estimait le savoir-faire de ses propres équipes, qui ont littéralement explosé en vol. A la vérité, dans cette négociation, les Britanniques ont été absents, du début à la fin, incapables de mettre sur la table la moindre proposition concrète, alors que l’équipe de négociation européenne, habilement conduite par Michel Barnier, s’est révélée d’une exceptionnelle qualité, rassemblant, comme souvent à Bruxelles, les meilleurs juristes et spécialistes administratifs du monde.
Enfin, plus grave, il aurait certainement fallu tenir des consultations au Royaume-Uni même, au sein du Parlement, pour tenter de traduire dans les faits les résultats confus d’un référendum illisible et établir un consensus minimum sur les souhaits britanniques. Aujourd’hui, nos voisins d’outre-Manche ne savent pas ce qu’ils veulent de l’Europe. Mais ils ne sont même pas d’accord sur ce qu’ils ne veulent pas!
Westminster s’est vengé de cet oubli impardonnable et a sèchement humilié la Cheffe de gouvernement. La Chambre des Communes a repris la main.
Elle tentera vraisemblablement d’imposer un report de la date effective du Brexit. Nul ne sait encore comment elle fera fléchir une Premier ministre décidément bien raide dans ses escarpins, mais les élus voudront certainement s’éviter la dernière grave erreur que serait une sortie de l’Union européenne désordonnée, brutale et sans accord. Au regard des mois écoulés, pourtant, le risque du pire existe toujours.