L’enjeu des prochaines élections européennes sera-t-il l’immigration?
Nul gouvernement ne propose d’accroître le nombre d’immigrés. Chacun est conscient que la crise de 2015 a suscité dans l’opinion la crainte de voir déferler sur l’Europe des masses incontrôlées de réfugiés et de migrants économiques, qui accentueraient les ratés des politiques d’intégration. Au contraire, les Européens cherchent par tous moyens à réguler et mettre sous contrôle un phénomène migratoire durable.
Aussi l’instrumentalisation de la question migratoire doit être récusée. Les divergences portent sur les moyens, pas sur les objectifs. Certes, les gouvernements européens ne parviennent pas à s’entendre et donc à convaincre de solutions pérennes et acceptables. Ils y arriveront pourtant, vraisemblablement à quelques uns. Mais la fermeture des frontières nationales, prônée par certains, n’a aucune chance d’apporter de solution, parce qu’elle ne tiendrait pas longtemps.
Des résultats ont déjà été atteints et depuis 2015, le nombre d’immigrants illégaux a diminué des deux tiers; des accords ont été passés avec les pays de transit et d’origine, conditionnant l’aide européenne à de véritables contrôles. Ceux-ci ont été renforcés aux frontières de l’Europe. Chacun sait que c’est dans la durée que l’addition de mesures de cette nature produit des résultats.
En réalité, les nationalistes et les extrémistes mettent en cause l’efficacité des démocraties libérales à faire face à des questions de plus en plus difficiles et qui ne dépendent pas de solutions seulement nationales. Complexité et interdépendance sont les contraintes quotidiennes des gouvernants. Les discours simplificateurs sont à l’opposé de la construction européenne et font le jeu d’un repli identitaire sans issue. A l’extérieur, beaucoup sont dérangés par l’Union telle qu’elle est, avec ses imperfections, mais aussi ses succès. L’Europe et l’euro comptent désormais de vrais ennemis, à l’Est, au Sud et même de l’autre côté de l’Atlantique.
Le véritable enjeu des élections européennes de 2019 devrait plutôt porter sur la place et le rôle de l’Europe sur la scène internationale. Doit-elle être plus autonome, plus présente, mieux armée, pour défendre et promouvoir son modèle de liberté, de prospérité et de solidarités? Ou doit-elle, comme beaucoup, faire fi de toutes ses convictions, pour plonger comme tant d’autres dans le cynisme du repli et du simple rapport de force? Doit-elle s’arc-bouter sur ses conceptions d’une organisation politique bâtie pour la personne humaine, son épanouissement dans les libertés, la culture, la protection de l’environnement et la solidarité? Ou doit-elle préférer les disciplines collectives au nom d’idéologies irrespectueuses des droits individuels et collectifs au profit d’un mercantilisme le plus absolu?
Dans la course à l’hégémonie que se livrent désormais la Chine et les Etats-Unis, au coeur de relations internationales bousculées, il y a place pour une Europe qui s’affirme, qui se dote des instruments de la puissance et de l’indépendance et valorise ce qu’elle a déjà accompli, pour mieux peser sur l’évolution de la planète.