Jamais la responsabilité européenne de l’Allemagne et de la France n’a été autant engagée. Les Etats européens sont, à leur tour, attirés vers les extrêmes, leurs débats intérieurs bouleversés, la politique traditionnelle est en miettes.
Construite pour réconcilier ceux que tout opposait, l’Europe est à la peine, dans presque toutes les capitales et donc collectivement. Faute d’avoir voulu partager plus résolument certains attributs nationaux, les Européens font face à une forte demande de leurs citoyens pour maîtriser la question migratoire, garantir leur sécurité, retrouver durablement la croissance économique trop longtemps donnée pour acquise. Et face aux peurs et aux angoisses qui touchent un continent vieillissant et abîmé dans le confort, la cacophonie s’amplifie entre les protagonistes.
Restent les deux partenaires les plus puissants du continent vers lesquels les regards se tournent désormais: la France et l’Allemagne. Seront-elles capables d’offrir aux Européens des perspectives plus positives que la somme des mauvaises nouvelles dont ils sont assaillis et qui, malgré une situation enviable au regard des autres continents, les livrent aux démagogues au langage simpliste?
Les Allemands et les Français y travaillent. Emmanuel Macron a livré sa vision des réformes nécessaires, Angela Merkel la sienne, plus proche qu’on ne l’a dit. Leurs gouvernements se rencontrent le 19 juin pour préparer une proposition commune à présenter au Conseil européen le 28 du même mois et les échanges sont désormais quotidiens des deux côtés du Rhin.
L’enjeu est de taille. Il leur faut être à la hauteur.
Déjà les Allemands ont avancé, donnant satisfaction aux Français pour un réveil de l’indispensable effort de défense et ils rejoindront l’Initiative Européenne d’intervention, une proposition française renforçant la coopération de défense d’une dizaine d’Etats volontaires. Le malaise politique créé par la vague de réfugiés de 2015 les pousse à imaginer des mesures de régulation de l’immigration qui ne devraient pas emprunter aux vieilles recettes communautaires. Il suffirait de s’entendre à quelques uns pour mettre sous contrôle une pression migratoire qui va durer longtemps. L’achèvement d’une zone euro mieux organisée et capable d’affronter des coups de torchon financiers, semble désormais possible, au-delà des discours convenus. D’autres annonces pourraient voir le jour, en matière de rapprochement fiscal, d’investissement dans les innovations indispensables pour l’avenir. Pour leur part, les Français ont procédé à un véritable changement de logiciel, lançant enfin les réformes attendues depuis si longtemps et qui devraient conduire à retrouver un niveau de dépenses publiques raisonnable, ce qu’ils n’ont pas fait depuis près de 30 ans et qui reste déterminant. La route est longue mais il semble que la direction semble fermement affirmée, crédibilisant un retour sur la scène européenne.
Avec le Brexit, la crise migratoire, l’arrivée des extrêmes aux affaires, dans un contexte international fragilisé par les comportements erratiques de certains, le révisionnisme des autres, le terrorisme et l’instrumentalisation d’une religion, les deux puissances continentales n’ont d’autre choix que de décider un vigoureux coup de barre.
Elles doivent montrer l’exemple que doit donner leur coopération renforcée aux sceptiques qui, comme tous, cherchent l’efficacité dans la réponse aux demandes des citoyens. C’est donc seulement en ayant le courage d’innover que les deux principaux partenaires ont une chance de relever le projet européen. Par l’exemple.