fr en de
portrait

Défense européenne: ne tirez pas sur les pianistes!

Les questions de défense sont suffisamment essentielles pour être laissées à l'écart des polémiques. La réunion d'un Conseil européen qui leur sera spécialement consacré doit donc être regardé avec objectivité et réalisme comme une bonne nouvelle.

Dans ce domaine, en effet, les certitudes sont connues depuis longtemps:

Les Européens ne partagent pas tous la même vision du monde ni la même conception de l'usage de la force dans les relations internationales. Les industries de défense ne sauraient être organisées comme le marché des petits pois et selon les mêmes principes de concurrence et d'ouverture. Elles n'ont que des clients étatiques. La souveraineté en la matière ne peut être partagée qu'avec l'assurance d'une défense plus forte et surtout politiquement assumée par des pouvoirs légitimes et démocratiquement désignés. Ce ne sont donc pas les traditionnelles institutions communautaires qui doivent la réguler. Seule une coopération volontaire des Etats peut y réussir. Mais elles peuvent les y aider. Pendant que le monde réarme, l'Europe désarme bien que ses dépenses de défense cumulées occupent encore le deuxième rang mondial. N'ayant pas d'ennemi déclaré, elle pense ne jamais plus en avoir, ce qui n'est pas vraiment conforme aux enseignements de l'histoire.

Ces constats doivent nous conduire à apprécier la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement sur la défense pour ce qu'elle est: une avancée significative.

Les services de Mme Ashton, l'Agence européenne de défense, les ministres, ont bien travaillé. Ils font des propositions concrètes qui devraient permettre de mutualiser certains moyens militaires sans porter atteinte à la capacité d'agir des Etats, mobiliser les crédits de recherche européens au profit de la sécurité européenne, lancer quelques innovations.

Manquent bien sûr à ces projets de vrais programmes d'équipements, financés dans le long terme et soutenant les technologies européennes, trop souvent initiées et supportés en Europe par les seuls acteurs économiques. On attend aussi une véritable stratégie européenne renouvelée et l'urgence en sera partagée au Sommet à propos de la sécurité maritime. 90% du commerce européen, le 1er dans le monde, passe par la mer. L'essentiel de nos ressources énergétiques et minérales du futur y dorment encore inexploitées. Il est temps d'en assurer la sécurité, le libre accès et pas seulement au plus près de nos côtes. Une stratégie maritime européenne ambitieuse est attendue pour le mois d'avril 20014. Elle est urgente.

Enfin sera évidemment évoquée l'actualité. L'Europe est interpellée par le monde: Syrie, Iran, Afrique, Ukraine, Russie.

A cet égard, deux pays se distinguent particulièrement.

Des soldats français sont engagés en Afrique et la France peine à faire partager l'urgente nécessité d'être présents là où nos intérêts et nos principes sont en cause.  La France porte un message que l'Europe ne peut ignorer et elle doit elle-même redoubler d'efforts  pour mieux le faire partager par ses partenaires.

Enfin, le Royaume-Uni s'oppose à toute avancée européenne en la matière et préfère les accords bilatéraux, ce que la France a intelligemment exploité, ou l'OTAN, confrontée au "pivot asiatique" de l'Amérique et peu utile envers l'Afrique ou d'autres causes lointaines.

On attend du Conseil européen quelques décisions modestes et pragmatiques. Mais réunir les chefs d'Etat et de gouvernement pour évoquer ces grandes questions d'intérêt majeur est déjà un événement. La s
eule chose qu'on puisse regretter est qu'ils ne le fassent pas plus souvent!
signature