La France et l'Allemagne célèbrent ce 22 janvier, le cinquantième anniversaire du Traité de l'Elysée qui a scellé leur entente étroite.
Il y a de quoi! Aucune relation bilatérale dans le monde n'a atteint un tel dégré de proximité et de confiance, c'est-à-dire d'échanges et de travail en commun. Aucun binôme d'Etats n'a su rompre ainsi avec un passé conflictuel aussi dramatique, en y puisant la force d'une alliance privilégiée. Oui, il y a matière à célébrer cet exemple où la raison et la sagesse l'ont emporté sur la fatalité des guerres, des oppositions et des divergences étatiques!
Dès les lendemains du Second conflit mondial, les deux pays se sont alliés dans l'idée, maintes fois espérée et désormais mise en oeuvre, d'une Europe à unir et plus seulement à reconstruire après des guerres civiles dévastatrices. Robert Schuman d'abord, en 1950, puis le général de Gaulle en 1963, tendent la main à l'ennemi d'hier qui la saisit dans son désir de rompre avec son passé. Ils réussissent la réconcialiation franco-allemande et font de leur alliance les fondements de l'unité européenne.
L'équilibre, la complémentarité et l'irréductible volonté politique de dialogue entre les deux Etats, qui représentent un tiers de la population européenne et presque la moitié de sa richesse, sera le seul vrai moteur de l'intégration européenne. Aujourd'hui encore, il n'y a pas de décision européenne si l'Allemagne et la France n'y sont pas, ensemble, parties prenantes.
C'est peut-être pour cela que l'Union européenne donne parfois l'impression de ne pas progresser assez vite face aux changements du monde.
Longtemps les performances économiques françaises ont été meilleures que celles de son grand partenaire, mais la croissance des deux rendait ces différences acceptables. Aujourd'hui la situation s'est inversée du fait d'un calendrier de réformes décalé et différent, que la crise exacerbe.
Et le dialogue, s'il est d'une incomparable qualité et d'une véritable densité, s'est peu à peu assoupi sur un mode plus administratif et diplomatique que politique et imaginatif. Il est souvent mis à mal par les alternances qui nécessitent, de chaque côté du Rhin, une phase d'apprentissage. Il est troublé par la crise, qui réclame des décisions dans l'urgence; et elles n'ont pas toujours eu la rapidité ou le génie nécessaires. Il est malmené par la politique politicienne, par le populisme, cet égoïsme de riches dont l'Europe garde la spécialité. On a entendu, pour la première fois depuis longtemps, des critiques acerbes - germanophobie en France ou arrogance économique en Allemagne - qu'on avait cru définitivement impossibles! Certains, en France, ont regretté "qu'on cède à l'Allemagne" alors qu'ils ont si longtemps cédé à la facilité, notamment en matièrec de dépenses publiques. Certains en Allemagne, refusaient de "payer pour des irresponsables" le prix direct des conséquences de leur politique, notamment monétaire. Ni les uns, ni les autres n'ont eu gain de cause et c'est heureux..
Car pour relever les défis auxquels l'Europe doit faire face, on attend beaucoup du couple franco-allemand. Et ses dirigeants ne sauraient sous-estimer l'importance de leurs responsabilités. C'est d'eux et de nul autre que dépendra le succès de l'Europe, c'est-à-dire la sortie de la crise, les réformes indispensables, le visage de l'Union européenne de demain et notamment, sa place sur la scène internationale. C'est à la France et à l'Allemagne, ouvertes à leurs autres partenaires, qu'incombe la tâche de parachever l'unité européenne, de proposer la feuille de route qui lui manque pour assurer son avenir.
Cela implique une intimité retrouvée, seule condition de la fertilité européenne.
Cela ne saurait gâcher la fête de plus de 60 ans d'amitié, scellée il y a 50 ans dans un Traité visionnaire et ambitieux qui permet encore beaucoup de développements.
Cela doit l'inspirer.