La construction européenne continue à occuper la campagne présidentielle française, dans laquelle, comme trop souvent, elle joue le rôle du bouc émissaire. Tel est, notamment, le cas de la politique d'immigration.
L'Europe perd sa population et sa situation démographique est catastrophique. Aussi est-elle devenue le premier continent pour l'asile et l'immigration. La population européenne s'accroît ainsi de 8 millions de personnes chaque année et parmi les 502 millions d'Européens, on compte 45 millions d'étrangers qu'on peine à intégrer. La crise renforce l'inquiétude des peuples, attisée par les populismes et certains voudraient alors remettre en cause les accords européens de libre circulation.
Pourtant, pour relever ces défis rien ne serait pire qu'une renationalisation des politiques d'immigration. Croire que les Etats membres seraient mieux à mêmes de gérer tout seuls les frontières externes est une illusion démontrée par les faits. Laisser penser qu'une gestion interétatique de l'immigration pourrait mieux résoudre les problèmes des migrations internes à l'Union est une profonde erreur, qui porte en elle les germes de graves divisions entre les peuples. L'Europe de Schuman, celle aussi du général de Gaulle et de tous ses successeurs, n'y résisteraient probablement pas, emportées par la tentation du repli qui conduit aux nationalismes.
Les initiateurs des accords de Schengen (1985: Allemagne, Benelux, France), devenus 26, ont eux-mêmes justement décidé d'en confier la gestion, en 1995, à la Commission européenne, instance supranationale. Ils ont, depuis, tenté d'harmoniser le droit d'asile, le statut de réfugié et d'élaborer un Pacte européen pour l'immigration. Des améliorations sont encore nécessaires et leur réforme est d'ailleurs en cours. Le contrôle des frontières extérieures doit, un jour, être confié à un véritable corps européen de garde-frontières, les Etats ne doivent plus pouvoir décider seuls de mesures qui auraient des conséquences sur leurs partenaires, une vraie solidarité avec ceux qui sont confrontés à la pression venue des pays tiers doit être organisée, la mobilité des travailleurs au sein de l'Union peut être mieux régulée, notre sécurité face aux nouvelles menaces doit en être renforcée. Cela ne peut être réussi qu'ensemble, tant il est évident que les solutions ne seront trouvées qu'à l'échelle du continent.
Répondre aux inquiétudes, c'est, en matière d'immigration, jouer totalement le jeu d'une Europe plus intégrée et plus efficace et ne rien céder aux extrémistes. C'est le vrai moyen de préserver le droit réel que nous avons acquis de circuler librement du Cap Nord aux Canaries et de maîtriser, dans le même temps, les mouvements migratoires, dans le respect des droits fondamentaux. Tout recul de cette liberté marquerait un échec grave de l'esprit européen. Que vivent les accords de Schengen!
L'éditorial a été également publié dans le quotidien bulgare "La Sega" en cyrillique : cliquez ici