L'unité allemande doit beaucoup au Zollverein, union douanière créée le 1er janvier 1834, qui partagea le thaler, fondement d'un véritable marché commun centre-européen et qui dopa la révolution industrielle en Europe. Avec l'Euro, l'Union européenne a choisi la même démarche d'intégration accélérée par la monnaie pour affronter la globalisation.
Mais l'alerte grecque a montré combien manquent les décisions courageuses qui doivent donner à la monnaie unique européenne l'expression politique de la force qu'elle incarne. On évoque un "gouvernement économique", indispensable pour ne pas laisser les ennemis de l'Euro l'affaiblir par la spéculation. On parle de gouvernance monétaire. La réalité est plus simple.
Edouard Balladur vient d'en donner un exemple en réclamant dans le Figaro du 17 février, une avancée nécessaire, identifiée depuis longtemps: la coordination budgétaire des membres de l'Eurosystème. Jadis réticent envers la monnaie unique, l'ancien Premier ministre français, qui a dû affronter en 1993 la fin du système monétaire européen, reconnait la nécessité de "nouveaux abandons de souveraineté" en demandant que les budgets nationaux des Etats de l'Euro soient approuvés par l'Eurogroupe avant d'être soumis aux Parlements nationaux. C'est l'évidence depuis l'origine. C'est désormais la prudence et la sagesse qui le commandent.
Il y a des attributs de la souveraienté qui ont pour premier effet de limiter la souveraineté... Les décisions budgétaires purement nationales en font partie.
En coordonnant vraiment leurs budgets, les Etats de l'Euro se doteraient d'un poids et de marges de manoeuvre sans précédent.
Cette puissance leur permettrait de peser de manière déterminante sur l'élaboration des nouvelles régulations mondiales. Mais elle exigerait aussitôt d'accepter enfin d'unir les forces européennes au sein des enceintes financières internationales où l'Euro doit parler d'une seule voix et en tout premier lieu au Fonds monétaire international.
Au FMI, les droits de vote sont calculés selon le poids économique des Etats. Celui-ci est estimé en fonction du Produit intérieur brut (la richesse), de l'ouverture de l'économie au monde (le commerce), de la croissance (le dynamisme) et des réserves monétaires (la solidité).
Avec ces critères, les Etats-Unis se sont vu attribuer 16,77% des droits de vote, le Japon 6,02, la Chine 3,66, les six pays fondateurs de l'Union européenne 18,49%.
Les pays de l'Euro pèsent 22,91% des votes, l'ensemble des pays de l'Union 32%.
Quelles que soient les évolutions en cours et notamment l'émergence de nouveaux compétiteurs, c'est la vraie répartition actuelle de la richesse mondiale.
Il est temps que les Etats de l'Euro l'acceptent, en tirent les conséquences et veuillent bien peser de tout leur poids, non pas chacun de son côté, mais unis et rassemblés.
Ils anticiperaient ainsi ce que la nécessité va bientôt les obliger à faire: compter ensemble, s'unir vraiment et non plus s'accrocher à des apparences de souveraineté économique qui ne sont que des faux-semblants périlleux. Est-ce trop demander d'agir avec audace pendant qu'il est encore temps plutôt que piteusement sous la contrainte?