L'Allemagne et la France ont permis à l'Union européenne de ne pas tenir un Conseil européen inutile ces 19 et 20 mars. Faisant fi des irritations passées, elles se sont, comme toujours, retrouvées sur l'essentiel.
Des décisions ont été prises, bien plus ambitieuses que prévues. Elles avaient été préparées soigneusement lors d'un Conseil des ministres franco-allemand, le 12 mars, et par une lettre conjointe adressée le 16 à la présidence de l'Union et à la Commission.
Les deux principales économies de la zone Euro ont marqué leur impatience à l'égard d'une conduite trop diplomatique des affaires européennes. Elles ont imposé, en termes impératifs, leurs vues pour la réunion du G20 de Londres le 2 avril et, plus généralement, pour la conduite de l'Union dans la crise.
De chaque côté du Rhin, on partage une même conception de l'économie, libre mais régulée et la France et l'Allemagne ont exigé du G20 des résultats concrets.
Elles veulent reconstruire une architecture financière mondiale dotée de véritables règles, dont l'application doit être supervisée par le FMI. Sont visés les hedge funds, les paradis fiscaux, ainsi que toutes les bizarreries inventées ces dernières années, qui ont failli emporter le système financier mondial. Les deux pays exigent l'enregistrement, la supervision de tous les acteurs financiers et un système de sanctions contre leurs excès. Ils veulent que les règles comptables soient revues comme ils l'avaient demandé en vain depuis longtemps.
Ces exigences s'adressent aussi à la Commission et haussent le ton envers les autres Etats membres.
L'Union doit balayer devant sa porte et la Commission est priée de préparer pour le mois de juin la mise en oeuvre du rapport de Larosière pour une vraie supervision européenne et une nouvelle régulation. Le Parlement devra ainsi adopter avant la fin de la présente législature des règles pour les agences de notation, pour la solvabilité des compagnies d'assurance, pour les fonds propres des banques, pour les paiements transfrontaliers et la monnaie électronique. Ce sont des orientations claires susceptibles de ramener la confiance et de stabiliser le système financier.
En outre, les deux Etats s'engagent - enfin - dans une véritable coordination de leurs politiques économiques en réhabilitant le Conseil économique et financier franco-allemand. Ils réaffirment leur attachement à l'adoption du Traité de Lisbonne avant la fin de l'année et menacent: "d'appliquer pleinement toutes les dispositions en vigueur (...) tant qu' (...) il ne sera pas adopté". Avis à ceux qui traînent: ils n'auront plus de Commissaire européen! Quant à l'élargissement, ils le refusent tant que les nouvelles institutions ne sont pas en place.
Pour autant, le message de solidarité adressé aux Etats membres en difficulté et à ceux qui veulent rejoindre la zone Euro est sans ambiguité: l'Union est ouverte et généreuse, mais elle repose sur des règles, au premier rang desquelles le Pacte de stabilité et de croissance. Elles restent la loi commune qui doit être respectée.
Il était temps de reprendre la barre d'une conduite européenne de plus en plus empêtrée dans la gestion courante alors que la crise frappe partout. Le spectacle pathétique d'une Union incapable de se mettre d'accord sur un programme de 5 milliards d'euros ne doit plus se renouveler.
Il était indispensable de redonner du sens aux politiques européennes, ballottées au fil de l'eau par des Etats membres qui la considèrent trop souvent comme un libre-service et une Commission en panne d'imagination et de leadership.
Dans les mois qui viennent, l'Union joue, pour de longues années, son statut et son rôle dans le monde. Elle doit être à la hauteur. Ces premières orientations franco-allemandes sont bienvenues. Elles doivent être suivies d'autres, plus ambitieuses.
L'unité de l'Europe pourrait y faire un grand pas.
Au milieu des opposants, des résignés et des impuissants, la seule force gardienne de l'esprit européen reste bien le couple franco-allemand.