La manière dont l'Europe surmontera la crise déterminera pour longtemps son passage à l'union politique, sa gouvernance et, en réalité, sa place dans le monde au 21ème siècle.
Le président français, Nicolas Sarkozy, lui a d'ores et déjà donné, en quelques mois, un rôle qu'elle n'avait pas. Mais si l'on veut que ce réveil ne soit pas éphémère, il faut maintenant que l'Union prouve qu'elle est capable d'élaborer une politique économique commune, c'est-à-dire en l'occurence de lancer un plan européen de relance pour lutter contre la dépression économique. Il pourrait s'intéresser à ce qui dessinera l'Europe de demain, par exemple la sécurité énergétique et le nécessaire réseau européen de distribution qu'il faut réaliser en Europe centrale, les technologies de pointe à travers l'aérospatial, l'infiniment petit ou l'environnement, les infrastructures de transport pour désenclaver un continent encore trop géographiquement morcelé.
On sent l'Allemagne réticente et l'on peut comprendre pourquoi. Après avoir réussi des réformes difficiles que d'autres n'ont pas su faire à temps, elle commençait à engranger les bénéfices de ses efforts, quand la crise financière l'a heurtée de plein fouet. Trois des plus grandes banques régionales ont réclamé la garantie de l'Etat fédéral et mis à contribution leurs actionnaires régionaux. Le géant BASF annonce arrêter quelques temps 80 de ses usines, les constructeurs automobiles révisent à la baisse leurs prévisions, la chimie et la sidérurgie prévoient une chute de leur production. Malgré un plan de garanties pour les banques de 480 milliards d'euros et des mesures de soutien à l'économie de 32 milliards sur 2 ans, la croissance a brutalement stoppé sous l'influence d'un recul important des exportations qui en étaient le moteur principal. Des voix s'élèvent en Allemagne même, pour relayer les appels du FMI à des mesures plus ambitieuses et plus européennes.
La Chancelière Angela Merkel n'aime pas se précipiter et encore moins décider sous la contrainte. Jusqu'ici, cela ne lui a pas trop mal réussi! Mais ce qui est désormais en jeu, c'est la capacité des grandes économies européennes à décider ensemble en matière économique et financière. C'est un enjeu continental autant que politique, qui engage l'Union toute entière. Elle est donc confrontée à un choix difficile, avant une année électorale qui ne l'est pas moins. Placé à plusieurs reprises dans la même situation, l'un de ses prédécesseurs dont le souvenir restera dans l'histoire, Helmut Kohl, a toujours penché pour son réflexe européen de Rhénan engagé. Il a systématiquement fait le pari européen, préférant la construction européenne à l'apparence des intérêts nationaux allemands à court terme. Et c'est d'ailleurs ainsi que l'Allemagne a retrouvé sa place aux tout premiers rangs. C'est maintenant à Angela Merkel de faire le même choix et à la France de le rendre possible et de le mettre en valeur. Un plan franco-allemand, ouvert à qui le souhaite, de relance et de soutien à l'investissement dans les secteurs économiques stratégiques, aurait un impact considérable. Le Conseil des ministres franco-allemand du 24 novembre est donc particulièrement important pour l'Europe toute entière.