L’entrée en fonction du 47ème président des Etats-Unis et son programme de rupture suscite bien des conjectures et beaucoup d’inquiétude.
Les Européens ont le regard braqué vers l’Ukraine et la Russie en espérant n’être pas les victimes passives d’une satisfaction trop vite donnée au tyran moscovite, qui confirmerait une vision bien lointaine des intérêts européens.
Mais, pour l’Europe, les conséquences des décisions probables de politique intérieure de Donald Trump peuvent être au moins aussi inquiétantes.
On pense naturellement à une guerre commerciale qui pourrait résulter de droits de douane unilatéralement fixés et destinés à réduire le gigantesque déficit des USA. Plus brutale encore serait une dérèglementation généralisée qui donnerait à l’économie américaine un formidable coup de fouet, l’accélération de la croissance et la disponibilité d’importantes liquidités financières.
Sur l’agenda du président américain figure en priorité le retour en arrière sur les contraintes environnementales et éthiques, qui va doper l’industrie nationale et lui permettre de dégager de nouveaux moyens d’expansion.
Pour le secteur financier, qui entend s’affranchir des règles prudentielles, notamment dites de Bâle III, c’est l’assurance de conforter sa première place et de continuer à dominer la finance mondiale. L’aventurisme qui consiste, pour des raisons vraisemblablement peu avouables, à miser sur le Bitcoin au détriment de la garantie traditionnelle des banques centrales, peut déclencher un véritable tsunami monétaire et financier et, dans le moyen terme, se terminer par un désastre planétaire.
Enfin, les oligarques de la Tech appellent de leurs vœux un bras de fer avec l’Union européenne qui a eu l’outrecuidance de vouloir encadrer leurs pratiques sauvages et prédatrices !
Face à cet ouragan, l’Europe n’a que le choix du rapport de force.
Le grand marché européen est indispensable à l’économie américaine qui y détient beaucoup d’intérêts. L’Union européenne a donc les moyens de dissuader les partisans d’une guerre commerciale. Elle ne doit pas se priver d’en agiter la menace et de décider de représailles en cas de mesures hostiles.
S’agissant des grands acteurs numériques, l’Union européenne doit exiger la stricte application de ses règles, quoi qu’il arrive. Il est probable qu’Elon Musk, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos et quelques autres, tenteront de s’en affranchir en mobilisant celui devant qui ils ont abandonné tout principe et se sont lamentablement couchés pour des raisons exclusivement financières.
Il n’en demeure pas moins que l’excès de règlementations en Europe, fruit de l’addition de contraintes nationales et de règles européennes, doit être combattu plus résolument encore au regard de cette nouvelle et inégale compétition. Préserver le modèle européen n’est pas incompatible avec un moratoire sur les règlementations, au nom de la survie d’une économie déjà très régulée, qui stagne et peine à retrouver la croissance. C’est même devenu une obligation face à ce coup de tabac venu d’Amérique, ce mauvais vent d’ouest qui prend l’allure d’une vraie tempête.
Enfin les Européens doivent exiger d’être impliqués dans toute négociation avec le dictateur du Kremlin, bien trop loin des côtes américaines pour inquiéter l’Oncle Sam, désireux à tort d’être reconnu comme une grande puissance, mais d’abord soucieux d’affaiblir, diviser et démanteler une Europe qui constitue à ses frontières, le contre-modèle idéal à son régime d’oppression et de régression.
Tenir bon, unis malgré quelques trublions de peu d’importance, être à l’offensive sur le plan économique, c’est le seul choix d’une Europe qui doit être sûre de ses forces et fidèle à ses alliances, mais ne jamais accepter la soumission.