[Cet édito est également disponible en ukrainien.]
En quelques semaines les autorités européennes ont été contraintes de revenir sur des normes environnementales pourtant votées démocratiquement et avec l’accord des Etats : l’obligation de jachères pour les agriculteurs, l’interdiction de l’importation de produits « issus de la déforestation », la protection absolue des loups. D’autres reculs sont à prévoir : L’interdiction de fabriquer des véhicules à moteurs thermiques à partir de 2035, le « devoir de vigilance » des entreprises envers leurs fournisseurs, les obligations de « verdissement » du secteur financier.
Ce grand recul n’est ni de droite ni de gauche. Il est le résultat d’excès règlementaires. Une prise de conscience tardive, morale et passionnelle des exigences environnementales a engendré des engouements irréfléchis et leurs inévitables prolongements législatifs. S’en est suivie une réaction de rejet qui n’est pas près de se calmer.
L’amour immodéré des Européens pour la norme et la contrainte a trouvé, une fois encore, à s’exprimer. Les Etats membres et leurs administrations en sont également responsables avec les législateurs européens. Plutôt que de se concentrer sur les résultats et la motivation des acteurs pour les atteindre, comme sur d’autres continents, on se focalise sur ce qu’on croit être les meilleurs moyens pour y parvenir et on tente de les imposer d’en haut.
En résulte un nombre croissant de règles qui entravent l’activité économique, exaspèrent les citoyens et renforcent les extrêmes. L’exemple le plus édifiant est la taxonomie européenne, liste d’activités déclarées acceptables et donc tableau de celles qu’on doit bannir.
S’ils veulent réussir les transitions numérique et environnementale, les Européens, avant de légiférer, doivent prendre en compte l’impact de leurs décisions sur les relations internationales, la situation et la croissance économiques et privilégier l’innovation.
Ce sont le Brésil, l’Indonésie et d’autres Etats en développement qui se sont émus de la loi sur la déforestation européenne, montrant en cela que notre arrogance n’avait d’égale que notre certitude qu’une sévérité chez nous serait un exemple pour le monde.
Ce sont nos industriels, qui n’en peuvent mais des contraintes et obligations qui pèsent sur leur activité au point que les grands groupes automobiles allemands préfèrent investir dans les usines chinoises et que la chimie européenne est poussée à s’expatrier.
C’est Mario Draghi qui ose dire que l’abus de règles en Europe gène l’innovation et explique en grande partie notre retard sur les géants du numérique.
Si l’on veut réussir les transitions, qui exigent des montants financiers considérables et une totale transformation de nos modes de production et de nos habitudes, il faut mobiliser tous les acteurs, favoriser la croissance, libérer l’innovation, c’est-à-dire rendre plus agile notre économie et non la fossiliser dans un corset de contraintes.
Les règles sont bien sûr nécessaires, mais doivent être évités les obstacles à la créativité, à l’intelligence, au risque et au succès. Face aux grands défis, climatiques, éthiques, sécuritaires, nous n’avons pas besoin d’engouements excessifs conduisant à des règles décidées sous la pression. Il nous faut davantage de politiques efficaces, conduites d’abord avec bon sens et modération.