[Cet édito est également disponible en ukrainien.]
Le second discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne, ce 25 avril 2024, est un appel à l’Europe, c’est-à-dire à ses Etats membres, à se réveiller d’urgence face au nouveau contexte stratégique.
Le monde ne respecte plus les règles qu’il s’était données ; nos amis comme nos rivaux ou nos ennemis s’en affranchissent allègrement. Nous ne pouvons plus être les seuls à les respecter. Il faut défendre nos intérêts, se protéger des agressions répétées, cyber ou pas ; il faut même contrattaquer.
Sur le plan économique, l’Europe du XXIème siècle ne peut plus continuer à suivre des règles budgétaires du XIXème ou une politique monétaire du XXème, alors que nos concurrents inondent leurs marchés de liquidités au prix d’énormes dettes, pourtant jugées toujours soutenables. L’ordo-libéralisme est bien mort.
En période de transition, on ne peut pas juger les finances d’un Etat comme celles d’un ménage en permettant ainsi un décrochage européen par rapport aux grandes économies mondiales : 3 fois moins de croissance, 2 fois moins d’augmentation du revenu par habitant, déclassement du PIB global au 3ème rang alors qu’il était encore au premier il y a 10 ans. A continuer ainsi, l’appauvrissement de l’Europe est en route.
Seule une politique de croissance peut en inverser le cours, redistribuer du pouvoir d’achat aux Européens et leur permettre de rembourser leurs dettes. Les extrêmes y trouveraient alors vraisemblablement des limites à leur démagogie.
Mais l’appel du président français à ses homologues européens concernait aussi la sécurité et la défense.
Si beaucoup de progrès conceptuels ont été faits dans ce domaine et que la nécessité d’une Europe plus indépendante est chaque jour mieux partagée, il faut maintenant faire face à la réalité : Une puissance nucléaire, la Russie, en l’assumant publiquement, nous a déclaré la guerre et emploie des moyens détournés pour la mener, inquiète de nos alliances et de notre puissance. Les Européens sont en guerre ; ils doivent le reconnaître, même si cela remet en cause leur message pacifique. Il leur faut donc réarmer et s’entendre sur une vraie défense du continent. Pour préserver la paix.
Emmanuel Macron accepte de discuter d’un bouclier anti-missile si la dissuasion nucléaire française, dans sa configuration actuelle, est reconnue pour son apport à la sécurité européenne. C’est une avancée.
Enfin, dans une réflexion de haute tenue, il remet au cœur de l’Europe le projet culturel, emblème de notre modèle de société et appelle à créer, à partir d’Arte, une vraie plateforme numérique culturelle européenne, pour incarner ce que nous sommes et ce à quoi nous tenons : Une culture de créativité, libre et foisonnante. C’est un projet en cours pour lequel acteurs allemands et français concernés sont déjà à l’œuvre. Il faut les soutenir.
Ces propositions françaises pour l’Europe sont ambitieuses, mais visionnaires. Elles traduisent l’urgence d’un réveil, un sursaut indispensable. Elles appellent à une concertation des partenaires européens pour offrir des réponses urgentes à des citoyens qui les attendent. Vite !