[Cet édito est également disponible en ukrainien.]
Soucieux de répondre au défi environnemental, mais emportés par leur élan, leur désir d’être en phase avec l’opinion et leur prétention à être en avance sur le reste de la planète, les responsables européens n’ont pas cessé, depuis trois ans, de règlementer, légiférer et interdire.
Fixer des ultimatums datés à l’utilisation des produits phytosanitaires, des moteurs thermiques, du carburant d’aviation, du pétrole consommé par la première flotte de commerce du monde, leur sont apparues comme des nécessités quasi-naturelles pour lutter contre le réchauffement climatique, quelle que soit la situation du secteur économique concerné.
Réussir les transitions est en effet difficile et indispensable. Traiter du défi climatique est plus populaire et à la mode que bien préparer la transition numérique, au moins aussi importante pour le futur de nos sociétés. L’aborder exclusivement en termes d’interdits, de contraintes et d’obligations, n’est pas la meilleure façon de réussir.
Les transitions numériques et climatiques bouleversent tellement les modes de vie et de production qu’elles ne peuvent être réussies qu’avec l’engagement de tous les acteurs. Les Etats ne les réussiront pas seuls ; ce sont les citoyens et les acteurs économiques qui les porteront avec le soutien de la collectivité publique.
Bien sûr, des contraintes sont parfois nécessaires, notamment pour lutter contre des géants économiques plus forts que les Etats. Les institutions européennes sont alors les plus pertinentes. Par exemple pour imposer des standards de respect de la vie privée ou de régulation des réseaux sociaux devenus incontrôlables sauf par les manipulateurs.
Mais s’agissant de la transformation de l’économie, ce seront les entreprises qui réussiront la mue et s’agissant de la consommation, ce sont les citoyens.
Les Européens aiment trop les règles. Ils en ont abusé en imposant à leurs agriculteurs un Pacte vert qui devrait les obliger à réduire leur production de 10 à 20% alors que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO) rappelle la nécessité d’augmenter la production agricole d’au moins 58% d’ici 2050 pour assurer la nourriture de la population mondiale.
Ce qui s’est produit c’est un mécanisme d’échelle de perroquet entre des gouvernements nationaux et des institutions européennes désireux d’être les mieux-disants écologiques. Par réflexe conditionné, les gouvernements nationaux se sont précipités sur leur pouvoir législatif, se sont montrés plus verts à Bruxelles et Strasbourg que dans leurs capitales, au point d’accepter une « taxonomie » inédite, ce catalogue de productions autorisées, proche de l’absurdité technocratique dans ses précisions, totalement discrétionnaire dans ses définitions et certainement peu démocratique dans son élaboration.
Le Parlement européen, dont la représentativité est déformée par la sur-représentation des Etats et des groupes politiques de petite taille, s’est montré souvent enthousiaste pour en rajouter ; quant aux lobbies des ONG, la plupart du temps œuvrant tous dans le même sens et utilisant excessivement la peur, s’il faut les écouter ce n’est pas en surestimant leur légitimité au risque d’abuser de l’ouverture des institutions européennes.
Il est urgent de revenir au bon sens si l’on veut transformer nos sociétés en évitant la réaction des citoyens et la sanction du déclin économique. Ailleurs, aux Etats-Unis par exemple, est préférée l’incitation, l’aide fiscale ou la subvention, avec un succès phénoménal qui met en doute et en danger le modèle européen.
Pour réussir la transition, il faut inciter plutôt qu’interdire, il faut innover avant de règlementer. Il faut convaincre avant de contraindre, il faut parfois soutenir avant d’exiger des résultats.
Les acteurs économiques et sociaux ont déjà intégré qu’il fallait changer. Les décideurs publics ne doivent pas en rester aux vieux schémas d’antan et voir dans des législations de plus en plus nombreuses et contraignantes l’alpha et l’oméga de leur responsabilité.
La révolte des agriculteurs européens contre les excès de règlementation ne sera que la première s’ils continuent de la sorte. Trop de règles tue les règles. La liberté et la responsabilité sont souvent plus efficaces pour affronter les grands défis de l’humanité.