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Comme d’habitude, je suis porteur de l’amitié du peuple américain. Nous considérons le peuple allemand et tous les peuples alliés européens comme étant parmi nos amis les plus proches dans le monde – parce que nous partageons tant d’expérience et de si nombreuses valeurs en commun. Nous pensons que les nations et les peuples devraient vivre en sécurité et en paix. Nous croyons à la création d’opportunités qui tirent non pas quelques personnes vers le haut, mais la majorité. Et je suis fier d’être le premier Président américain à venir en Europe et à être en mesure de dire qu’aux États-Unis, la protection de la santé n’est pas un privilège, mais que c’est maintenant un droit pour tout le monde. Nous avons cela en commun aussi.
Peut-être plus encore, nous croyons à l’égalité et à la dignité inhérente à tout être humain. Aujourd’hui, en Amérique, chacun a la liberté d’épouser la personne qu’il aime. Nous croyons en la justice, qu’aucun enfant dans le monde n’ait à mourir d’une piqûre de moustique, que personne ne puisse avoir un ventre vide tenaillé par la faim, qu’ensemble nous pouvons sauver notre planète mais aussi le peuple le plus exposé aux conséquences du changement climatique. Ce sont là des valeurs que nous partageons et qui sont portées par une expérience commune.
Et c’est ce dont je veux parler aujourd’hui – le futur que nous sommes en train de construire ensemble – non pas chacun de son côté, mais ensemble. Et cela commence précisément ici en Europe.
Je veux commencer par une observation qui, au vu des défis que nous devons relever dans le monde et des gros titres que nous lisons tous les jours, peut paraître improbable mais qui est pourtant véridique. Nous avons la chance de vivre dans la période la plus pacifique, la plus prospère, la plus progressiste de l’histoire de l’humanité. Cela peut surprendre les jeunes gens qui regardent la télévision ou consultent leur téléphone et qui ont l’impression que chaque jour apporte son lot de de mauvaises nouvelles. Mais il faut voir que plusieurs décennies se sont écoulées depuis le dernier conflit entre grandes puissances. De plus en plus d’êtres humains vivent dans des démocraties. Nous sommes plus riches, jouissons d’une meilleure santé, d’une meilleure éducation, nous sommes dans une économie mondialisée qui a permis à plus d’un milliard d’hommes de sortir de l’extrême pauvreté et qui a permis l’émergence de nouvelles classes moyennes dans les Amériques tout comme en Afrique et en Asie. Pensez au progrès de la santé dans le monde, à ces dizaines de millions de vies que sont sauvées chaque jour de la maladie, de la mortalité infantile et à la durée de vie qui s’est allongée.
Dans le monde, il y a plus de tolérance – il y a plus de possibilités pour les femmes, les homosexuels et les lesbiennes, à mesure que nous repoussons le fanatisme et les préjugés. Et dans le monde il existe une nouvelle génération de jeunes – comme vous, en fait - qui êtes connectés par la technologie, qui êtes guidés par votre idéalisme et votre imagination. Vous travaillez de concert pour lancer de nouveaux projets, pour que les gouvernements soient plus responsables et pour faire progresser la dignité humaine.
Si vous deviez choisir l’époque à laquelle vous seriez né, de toute l’histoire de l’humanité et sans savoir à l’avance quels seraient votre nationalité, votre sexe ou votre situation économique, vous choisiriez la période actuelle. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas encore d’énormes souffrances et d’énormes drames et qu’il ne nous reste pas encore un travail considérable à réaliser. C’est pour rappeler que la trajectoire de notre histoire ces 50 ou 100 dernières années, a été remarquable. Cela ne va pas de soi et nous devrions avoir confiance en notre propre capacité à pouvoir façonner notre destinée.
Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous pouvons baisser notre garde, parce qu’aujourd’hui, des forces dangereuses menacent de faire régresser le monde et parce que le progrès n’est pas inéluctable. Ces défis menacent l’Europe et ils menacent notre communauté transatlantique. Nous ne sommes pas à l’abri des forces du changement qui secouent le monde. Comme ils l’ont fait ailleurs, des terroristes barbares ont massacré des innocents à Paris et à Bruxelles, à Istanbul et à San Bernardino en Californie. Et ces tragédies se déroulent dans des lieux qui sont au centre de nos vies - un aéroport ou un café, un lieu de travail ou un théâtre - et cela nous déstabilise. Cela nous dérange dans notre vie quotidienne, et nous avons peur, pas seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour ceux qui nous sont chers. Les conflits actuels du Soudan à la Syrie en passant par l’Afghanistan font fuir des millions d’êtres humains qui viennent chercher une relative sécurité sur les rivages européens, mais cela impose de nouvelles pressions aux pays et aux communautés locales et menace de dévoyer nos politiques.
L’agression de la Russie, qui a violé de façon flagrante la souveraineté et le territoire d’une nation européenne indépendante, l’Ukraine, inquiète nos alliés de l’Europe orientale et menace notre vision d’une Europe unifiée, libre et pacifique. Et elle semble menacer les progrès qui ont été accomplis depuis la fin de la Guerre froide.
La faiblesse de la croissance économique en Europe, en particulier dans sa partie méridionale, a laissé des millions de personnes sans emploi, parmi lesquelles toute une génération de jeunes au chômage qui peuvent voir l’avenir avec de moins en moins d’espoir. Toutes ces difficultés persistantes ont conduit certains à se demander si l’intégration européenne pourra se maintenir encore longtemps, si vous ne feriez pas mieux de vous séparer, de réinstaurer certaines barrières et lois entre pays qui existaient au XXe siècle.
Dans nos pays, y compris aux États-Unis, beaucoup de travailleurs et de familles continuent à lutter pour se relever de la pire crise économique vécue depuis plusieurs générations. Et le traumatisme de ces millions de personnes qui ont perdu leur emploi, leur maison et leur épargne se fait toujours sentir. Et dans le même temps, des tendances profondes continuent de se manifester depuis des décennies - la mondialisation, l’automatisation, dans certains cas, une baisse des salaires et font que les travailleurs sont en position de faiblesse pour obtenir de meilleures conditions de travail. Les salaires stagnent dans de nombreux pays avancés alors que d’autres coûts ont augmenté. Les inégalités se sont aggravées. Et pour beaucoup, il est plus dur de simplement préserver sa situation.
Cela se passe en Europe, mais nous observons aussi certaines de ces tendances aux États-Unis et dans d’autres économies avancées. Ces inquiétudes et ces angoisses sont réelles. Elles sont légitimes. Elles ne peuvent pas être ignorées et méritent que ceux qui sont au pouvoir apportent des solutions.
Malheureusement, pour combler le vide et en l’absence de solutions, certains vont chercher à exploiter ces peurs et ces frustrations et à les canaliser de manière destructrice. Émerge alors insidieusement un type de politique dont le rejet a été le fondement du projet européen, une mentalité du « nous » contre « les autres » qui tente de rejeter la responsabilité de nos problèmes sur les autres, sur ceux qui ne sont pas comme nous ou qui ne prient pas de la même manière que nous, qu’il s’agisse d’immigrants, de musulmans ou de quiconque est considéré comme différent de nous.
Ainsi l’intolérance monte dans notre vie politique. Et ceux qui parlent fort accaparent le plus l’attention. Cela me fait penser au grand poète irlandais, W. B. Yeats, à son poème où les êtres les meilleurs sont dépourvus de toute conviction et où les pires sont pleins de passions intenses.
Ce moment est déterminant. Ce qui se passe sur ce continent a des conséquences sur les peuples du monde entier. Si une Europe unifiée, pacifique, libérale, plurielle, ouverte commence à douter d’elle-même, commence à mettre en question les progrès accomplis ces dernières décennies, alors nous ne pouvons pas espérer que le progrès naissant dans de nombreux pays du monde perdure. Au lieu de cela, nous donnerons le pouvoir à ceux qui prétendent que la démocratie ne peut pas fonctionner, que l’intolérance, le tribalisme et l’organisation de nos vies selon des codes ethniques, l’autoritarisme et les restrictions imposées à la presse les réponses exigées par les défis actuels.
C’est pourquoi je suis venu ce jour, au cœur de l’Europe, pour dire que les États-Unis et le monde entier ont besoin d’une Europe forte, prospère, démocratique et unie.
Peut-être vous faut-il un quelqu’un de l’extérieur, quelqu’un qui ne soit pas Européen pour vous rappeler l’ampleur de ce que vous avez accompli. Les progrès dont j’ai parlé ont été rendus possibles dans une grande mesure par les idéaux nés sur ce continent avec le siècle des Lumières et la fondation de nouvelles républiques. Bien sûr, ces progrès n’ont pas été accomplis en suivant une ligne droite. Au siècle dernier (deux fois en à peine trente ans), les forces de l’empire, l’intolérance et un nationalisme extrême ont consumé ce continent. Des villes comme celle-ci ont été réduites à l’état de ruines. Dix millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont péri.
Mais sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, nos nations se sont mises à refaire le monde, à construire un nouvel ordre international et les institutions pour le soutenir. Les Nations unies pour empêcher une autre guerre mondiale et promouvoir une paix plus juste et plus durable. Des institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pour promouvoir la prospérité de tous les peuples. Une Déclaration universelle des droits de l’Homme pour faire progresser les « droits inaliénables de tous les membres de la famille humaine ». Et ici, en Europe, des géants comme le Chancelier Adenauer se sont mis à lier les anciens adversaires par le commerce et les échanges. Comme Adenauer l’a dit dans les premiers temps de l’Europe : « l’unité européenne était le rêve de quelques-uns. Elle est devenue l’espoir de beaucoup. Aujourd’hui, elle est une nécessité pour nous tous ».
Et cela n’a pas été facile. De vieilles animosités ont dû être surmontées. La fierté nationale a dû se conjuguer à un engagement pour le bien commun. Il a fallu répondre à des questions complexes de souveraineté et de partage des responsabilités. À chaque pas, l’envie de faire marche arrière – que chaque pays poursuive sa propre route – a dû être combattue. Plus d’une fois, les sceptiques ont annoncé la mort de ce grand projet.
Mais la vision de l’unité européenne a persévéré et après avoir défendu la liberté en Europe durant la guerre, l’Amérique vous a accompagnés à chaque étape de ce voyage. Un plan Marshall pour la reconstruction ; un pont aérien pour sauver Berlin ; l’OTAN pour défendre notre mode de vie. L’engagement de l’Amérique aux côtés de l’Europe a été résumé par un jeune Président américain, John F. Kennedy, lorsqu’il se rendit dans Berlin-Ouest libre et qu’il y déclara « la liberté est indivisible et, tant qu’un seul homme sera maintenu en esclavage, aucun autre ne sera libre ».
Avec force et détermination, grâce à la force de nos idéaux et à la croyance en une Europe unie, nous n’avons pas seulement mis fin à la Guerre froide, nous avons fait triompher la liberté. L’Allemagne a été réunifiée. Vous avez accueilli de jeunes démocraties dans « une union toujours plus étroite ». Vous pouvez sans doute discuter pour savoir quel pays a les meilleurs clubs de football ou voter pour différents candidats à l’Eurovision. Mais votre œuvre accomplie (plus de 500 millions de personnes qui parlent 24 langues dans 28 pays, 19 qui utilisent une monnaie commune, dans une seule Union européenne) demeure l’une des plus grandes réussites politiques et économiques des temps modernes.
Oui, l’unité européenne peut parfois exiger des compromis frustrants. Elle crée de nouvelles strates de pouvoir qui peuvent ralentir la prise de décision. Je le comprends. J’ai participé à des réunions avec la Commission européenne. Et nous autres Américains, nous sommes connus pour être méfiants à l’égard de tout gouvernement. Nous comprenons combien il doit être facile de récriminer contre Bruxelles et de se plaindre. Mais souvenez-vous que chaque État membre de votre Union est une démocratie. Ce n’est pas par hasard. Souvenez-vous qu’aucun pays de l’Union européenne n’a pris les armes contre un autre pays membre. Ce n’est pas par hasard. Souvenez-vous que l’OTAN est plus forte qu’elle ne l’a jamais été.
Souvenez-vous que nos économies de marché, comme Angela Merkel et moi l’avons constaté ce matin, sont les plus grands créateurs d’innovation, de richesse et d’opportunités que l’histoire ait connus. Notre liberté, notre qualité de vie font l’envie du monde entier à tel point que des parents sont prêts à traverser des déserts à pied, à franchir des mers sur des radeaux de fortune et à tout risquer dans l’espoir de faire profiter leurs enfants des bienfaits dont nous (tout comme vous) bénéficions, ces bienfaits que vous ne pouvez pas considérer comme acquis.
Au XXe siècle, ce continent était constamment en guerre. On y mourrait de faim. Les familles étaient séparées et maintenant, les gens veulent désespérément l’atteindre, précisément à cause de ce que vous y avez créé. Vous ne pouvez pas prendre cela pour acquis.
Et aujourd’hui, plus que jamais, une Europe forte, unie, reste, comme l’a dit Adenauer, une nécessité pour nous tous. C’est une nécessité pour les États-Unis parce que la sécurité et la prospérité de l’Europe sont inhérentes aux nôtres et indissociables. Nous ne pouvons pas rompre les liens avec vous. Nos économies sont intégrées. Nos cultures sont intégrées. Nos peuples sont intégrés. Vous avez vu la réponse du peuple américain à Paris et à Bruxelles : c’est parce que dans notre imaginaire, ce sont nos villes.
Une Europe forte et unie est une nécessité pour le monde parce qu’une Europe intégrée reste vitale pour notre ordre international. L’Europe contribue à soutenir les normes et les règles qui peuvent maintenir la paix et favoriser la prospérité dans le monde.
Regardez ce que nous avons fait ces dernières années : sauvé l’économie mondiale qui était sur le fil de la récession et remis le monde sur le chemin de la reprise ; obtenu un accord complet qui a coupé toute les voies de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire –partie intégrante de la conception que nous partageons d’un monde sans armes nucléaires ; à Paris, l’accord le plus ambitieux de l’histoire pour lutter contre le changement climatique ; arrêté Ebola en Afrique de l’Ouest et sauvé d’innombrables vies ; rallié le monde entier autour d’un nouveau développement durable, notamment notre objectif d’éliminer l’extrême pauvreté. Rien de tout cela n’aurait pu se produire si moi (si les États-Unis) n’étions pas engagés dans un partenariat avec une Europe forte et unie. Cela n’aurait pas pu exister.
C’est ce qui est possible lorsque l’Europe et l’Amérique et le monde forment un seul bloc. Et c’est précisément ce dont nous aurons besoin pour défier les dangers très réels auxquels nous devons faire face. Aussi, laissez-moi vous exposer le type de coopération dont nous allons avoir besoin. Nous avons besoin d’une Europe forte qui puisse porter sa part du fardeau, qui travaille avec nous pour notre sécurité collective. Les États-Unis disposent d’une extraordinaire force militaire, la meilleure que le monde ait jamais connue, mais la nature des menaces actuelles fait que nous ne pouvons résoudre ces défis par nous-mêmes.
À l’heure actuelle, la menace la plus urgente pour nos nations est Daech et c’est pourquoi nous sommes unis dans notre détermination à le détruire. Et l’ensemble des 28 membres alliés de l’OTAN apportent leur contribution à notre coalition, que ce soit en frappant des cibles Daech en Syrie et en Irak, en soutenant la campagne aérienne, en formant des forces locales en Irak ou en apportant une aide humanitaire critique. Et nous continuons à progresser, repoussant Daech hors des territoires qu’il contrôlait.
Et tout comme j’ai approuvé l’apport d’un soutien supplémentaire aux forces irakiennes contre Daech, j’ai décidé d’accroître le soutien des Etats-Unis aux forces locales qui combattent contre Daech en Syrie. Un petit nombre des forces spéciales opérationnelles américaines sont déjà au sol en Syrie et leur expertise a été décisive puisque les forces locales ont chassé Daech de certaines zones clés. À la vue de ce succès, j’ai approuvé le déploiement de 250 militaires américains supplémentaires en Syrie, notamment des forces spéciales, pour maintenir cette dynamique. Ils ne vont pas mener le combat au sol, mais ils seront essentiels pour assurer la formation et aider les forces locales à continuer de repousser Daech.
Ainsi, ne vous y trompez pas. Ces terroristes apprendront la même leçon que leurs prédécesseurs, à savoir que leur haine ne peut rien faire contre nos nations qui sont unies dans la défense de notre mode de vie. Et tout comme nous combattons sans relâche sur le front militaire, nous n’abandonnerons pas sur le plan diplomatique pour mettre fin à la guerre civile en Syrie parce que la souffrance du peuple syrien doit cesser et que cela requiert une transition politique effective.
Mais le combat reste difficile et aucun d’entre nous ne peut résoudre ce problème tout seul. Même si les pays européens contribuent largement à la lutte contre Daech, l’Europe, y compris l’OTAN, peuvent encore faire plus. Aussi, je me suis entretenu avec la Chancelière Merkel et je rencontrerai par la suite le Président français et les Premiers ministres du Royaume-Uni et d’Italie. En Syrie et en Irak, nous avons besoin que plus de nations participent à la campagne aérienne. Nous avons besoin que plus de nations assurent la formation pour aider à renforcer les forces locales en Irak. Nous avons besoin que plus de nations apportent une aide économique à l’Irak afin que ce pays réussisse à stabiliser les zones libérées et à rompre le cycle de violence extrémiste de sorte que Daech ne puisse plus revenir.
Ces terroristes font tout ce qui est en leur pouvoir pour frapper nos villes et tuer nos citoyens et c’est pourquoi nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les arrêter. Cela inclut de « combler les brèches » afin d’empêcher les terroristes de réussir leurs attaques comme celles de Paris et de Bruxelles.
Cela m’amène à un autre point. Les Européens, comme les Américains, sont très attachés au respect de leur vie privée et nombreux sont les sceptiques sur le fait que les États puissent collecter et partager des informations, même pour une bonne cause. Ce scepticisme est sain. Les Allemands se souviennent de leur histoire et du fait qu’ils ont été sous la surveillance de l’État. En fait, les Américains font de même, tout particulièrement ceux qui ont lutté pour les droits civils.
Que nos gouvernements soient comptables de leurs actes est un principe ancré dans nos démocraties.
Mais je veux dire aux jeunes gens pour qui le respect de la vie privée est précieux et qui passent beaucoup de temps sur leur téléphone, que la menace du terrorisme est réelle. Aux États-Unis, j’ai œuvré à réformer nos programmes de surveillance pour faire en sorte qu’ils respectent l’état de droit et soutiennent nos valeurs comme la vie privée et, soit dit en passant, nous incluons la vie privée de ceux qui sont en dehors des États-Unis. Nous faisons attention à la vie privée des Européens, pas seulement à la vie privée des Américains.
Moi aussi, en travaillant sur ces questions, j’en suis venu à admettre que sécurité et respect de la vie privée ne sont pas nécessairement contradictoires. Nous devons garantir l’une tout en protégeant l’autre. Et nous devons le faire. Si la liberté nous est vraiment précieuse, alors nous devons prendre les mesures nécessaires pour partager informations et renseignements aussi bien au sein de l’Europe qu’entre l’Europe et les États-Unis, afin d’empêcher les terroristes de voyager, de franchir les frontières et de tuer des personnes innocentes.
Comme les menaces diffuses actuelles évoluent, notre alliance doit aussi évoluer. Nous allons donc réunir un sommet de l’OTAN cet été à Varsovie, et j’insisterai sur le fait que nous tous, ensemble, unis, nous devrons prendre nos responsabilités. Cela signifie se tenir aux côtés du peuple afghan afin qu’il puisse constituer ses forces de sécurité et lutter contre l’extrémisme violent. Cela signifie déployer plus de navires en mer Égée afin de démanteler les réseaux criminels qui s’enrichissent en faisant passer illégalement des familles et des enfants désespérés en Europe.
Cela dit, la mission centrale de l’OTAN est, et sera toujours, notre devoir solennel, notre engagement inscrit dans l’article 5, pour une défense commune. C’est pourquoi nous continuerons à renforcer la défense de nos alliés qui sont en première ligne, en Pologne, en Roumanie et dans les États baltes.
Nous devons donc faire en sorte que l’OTAN remplisse sa mission traditionnelle, mais aussi faire face aux menaces qui pèsent sur le flanc méridional de l’OTAN. C’est pourquoi nous devons rester souples et agiles, assurer l’interopérabilité de nos forces et investir dans de nouvelles capacités comme la cyberdéfense et la défense antimissile. C’est la raison pour laquelle chaque membre de l’OTAN devrait apporter sa contribution pleine et entière (2 % de son PIB) à notre sécurité commune, ce qui n’est pas toujours le cas. Et pour être honnête, je dirais que l’Europe s’est démobilisée et a relâché ses efforts pour assurer sa propre défense.
Tout comme nous sommes fermes pour notre propre défense, nous devons faire respecter les principes les plus fondamentaux de l’ordre international et un de ces principes veut que des nations comme l’Ukraine aient le droit de choisir leur propre destinée. Souvenez-vous que ce sont les Ukrainiens (dont beaucoup avaient votre âge), place Maïdan, qui, en aspirant à un avenir aux côtés de l’Europe, ont déclenché l’envoi par la Russie de ses soldats. Après tout ce que l’Europe a enduré au XXe siècle, nous ne devons pas autoriser au XXIe siècle que les frontières soient redéfinies par la force. C’est pourquoi nous devrons continuer à aider l’Ukraine à réaliser les réformes qui lui permettront d’améliorer son économie, de consolider sa démocratie et de moderniser ses forces pour protéger son indépendance.
Je veux de bonnes relations avec la Russie et j’ai beaucoup investi pour établir ces bonnes relations. Mais nous devons maintenir les sanctions contre la Russie jusqu’à ce qu’elle applique entièrement les accords de Minsk que la Chancelière Merkel, le Président Hollande et d’autres ont eu tant de mal à faire respecter et trouver la voie d’un règlement politique de ce problème. Enfin, mon plus fervent espoir est que la Russie reconnaisse que la véritable grandeur ne s’obtient pas en brutalisant ses voisins, mais en travaillant de concert avec le monde, ce qui est le seul moyen de garantir au peuple russe le progrès et une croissance économique durable.
Actuellement, notre sécurité repose sur le socle de la prospérité, ce qui m’amène à mon deuxième point. Le monde a besoin d’une Europe prospère et en croissance, pas seulement d’une Europe forte mais d’une Europe prospère et en croissance qui crée des emplois et de bons salaires pour son peuple.
Les angoisses économiques que beaucoup ressentent des deux côtés de l’Atlantique sont réelles. Les changements déstabilisants engendrés par l’économie mondialisée frappent, malheureusement, plus lourdement certains groupes, particulièrement les classes laborieuses. Et si, ni les fardeaux, ni les profits de notre économie globale ne sont distribués avec équité, il ne faut pas s’étonner que les peuples se soulèvent et rejettent la mondialisation. S’il y a trop peu de gagnants pour trop de perdants, au fur et à mesure que l’intégration de l’économie globale progressera, les peuples vont la rejeter.
Aussi, nous tous qui sommes au pouvoir, avons comme responsabilité de chef de gouvernement, d’entreprise et de la société civile d’aider les peuples à toucher du doigt les promesses de réussite économique et de sécurité annoncées par cette économie intégrée. Et la bonne nouvelle, c’est que nous savons comment faire. Parfois, il ne nous manque que la volonté politique de le faire.
Aux États-Unis, la croissance est de retour, mais les États-Unis ne peuvent être le seul moteur de l’économie mondiale. Et les pays ne devraient pas avoir à choisir entre apporter des réponses à des crises et investir dans leur peuple. C’est pourquoi nous devons poursuivre les réformes et nous positionner dans une optique de prospérité à long terme, soutenir la demande et investir dans l’avenir. Tous nos pays, par exemple, pourraient investir plus dans les infrastructures. Tous nos pays ont besoin d’investir dans les sciences, la recherche et développement d’où jaillissent l’innovation et de nouvelles industries. Tous nos pays doivent investir dans la jeunesse et faire en sorte que les jeunes acquièrent les compétences, la formation et l’éducation nécessaire pour s’adapter à l’évolution rapide de ce monde. Tous nos pays doivent se préoccuper des inégalités et faire en sorte que les travailleurs obtiennent une part équitable de l’incroyable productivité engendrée par la technologie et les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Mais si vous êtes réellement préoccupé par les inégalités, si vous êtes réellement préoccupé par la situation difficile des travailleurs, si vous êtes progressiste, je suis fermement convaincu que vous ne pouvez pas vous replier sur vous-mêmes. Ce n’est pas la bonne attitude. Nous devons maintenir la croissance du commerce et de l’investissement qui soutient les emplois tout comme nous œuvrons pour le faire entre les États-Unis et l’Union européenne. Nous devons continuer à mettre en œuvre les réformes de nos systèmes bancaires et financiers de telle manière que les excès et les abus qui ont déclenché la crise financière ne se produisent plus jamais.
Mais nous ne pouvons pas le faire individuellement, nation par nation, parce que la finance est maintenant transnationale. Elle va trop vite. Et sans coordination entre l’Europe, les États-Unis et l’Asie, rien ne marchera.
Comme cela a été rappelé au monde ces dernières semaines, nous devons combler les lacunes qui permettent aux entreprises et aux individus riches d’éviter de payer leur juste dû fiscal par le biais des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale. Cela représente des milliards de dollars qui pourraient être affectés à des besoins de première importance comme l’éducation, les soins de santé et les infrastructures. Mais pour ce faire, nous devons travailler ensemble.
Ici, en Europe, dans votre œuvre pour renforcer votre union (notamment par les réformes du marché du travail et des règles bancaires et en assurant la croissance de la zone euro), vous aurez le soutien ferme des États-Unis. Mais vous devrez le faire ensemble parce que vos économies sont trop intégrées pour essayer de résoudre ces problèmes chacun de votre côté. Et je veux le redire : nous devons lutter contre l’injustice que représente la croissance des inégalités économiques. Cela va exiger un travail collectif parce que comme le capital est très mobile, si seuls quelques pays s’en préoccupent, alors de nombreuses entreprises se précipiteront vers les pays qui ne se sentent pas aussi concernés.
Pendant des années, on a cru que les pays devaient choisir entre croissance économique et inclusion économique. Maintenant nous connaissons la vérité. Lorsque la richesse est de plus en plus concentrée dans les mains de quelques-uns en haut, cela ne représente pas seulement un problème moral pour nous mais cela tire vers le bas le potentiel de croissance d’un pays. Nous avons besoin d’une croissance large qui profite à tous. Nous avons besoin de régimes fiscaux qui œuvrent pour le bien des familles de travailleurs.
Et ceux qui, comme moi, soutiennent l’unité européenne et le libre-échange ont également l’énorme responsabilité de défendre de solides protections pour les travailleurs – un salaire décent et le droit à la liberté d’association, un filet de sécurité solide et un engagement pour protéger les consommateurs et l’environnement dont nous dépendons tous. Si nous voulons réellement réduire les inégalités, nous devons faire en sorte que celui qui travaille dur reçoive une contrepartie équitable (et c’est particulièrement vrai pour les jeunes comme vous), qu’il ait droit à l’éducation, à la formation professionnelle, à un système de santé de qualité et de bons salaires. Et cela inclut, soit dit en passant, de veiller à ce qu’à travail égal, il y ait salaire égal pour les femmes.
Le fait est que nous devons réformer beaucoup de nos économies. Mais la solution pour réformer ne consiste pas à nous couper les uns des autres, mais plutôt à travailler ensemble. Et cela me ramène à mon point de départ. Le monde a besoin d’une Europe démocratique qui tienne haut et fort les principes de pluralisme, de diversité et de liberté qui sont ce en quoi nous croyons tous. En tant que peuples libres, nous ne pouvons pas laisser les forces que j’ai décrites (les craintes concernant la sécurité ou les angoisses au sujet de l’économie) saper notre engagement dans les valeurs universelles qui sont la source de notre force.
La démocratie peut être compliquée. Elle peut être lente, frustrante. Je dois négocier avec le Congrès. Nous devons constamment œuvrer à ce que le gouvernement ne soit pas une collection d’institutions distantes, isolées, mais qu’il soit connecté et à l’écoute des préoccupations quotidiennes de notre peuple. Il ne fait pas de doute que la façon dont travaille l’Europe unie peut être améliorée. Mais regardez dans le monde – avec des gouvernements autoritaires et des théocraties qui règnent par la peur et l’oppression— il ne fait pas de doute que la démocratie est encore la forme la plus juste et la plus efficace de gouvernement jamais créée.
Et quand je parle de démocratie, je ne me limite pas à faire référence aux élections, parce que dans un certain nombre de pays, les candidats peuvent obtenir 70, 80 % des votes, car ils contrôlent tous les médias et le système judiciaire. Et des organisations de la société civile et des ONG ne peuvent se constituer, elles doivent être enregistrées et elles subissent des intimidations. Je parle de la vraie démocratie, celle que nous voyons en Europe et aux États-Unis. Donc nous devons être vigilants pour défendre les piliers de la démocratie, pas seulement les élections libres, mais l’état de droit, une presse libre, des sociétés civiles dynamiques où les citoyens peuvent travailler pour le changement.
Nous devons nous montrer méfiants à l’égard de ceux qui prétendent avoir à cœur les intérêts de l’Europe et qui pourtant ne pratiquent pas les vraies valeurs qui sont essentielles pour l’Europe, celles qui ont rendu la liberté si réelle en Europe.
Alors oui, nous vivons une période déstabilisante. Et lorsque le futur est incertain, il semble instinctif à notre nature humaine de se retrancher dans le ressenti du confort et de la sécurité de notre propre tribu, de notre propre secte et nationalité, d’aller vers ceux qui nous ressemblent et parlent comme nous. Mais dans le monde actuel, plus qu’à tout autre moment de l’histoire de l’humanité, ce confort est factice. Il dresse les gens les uns contre les autres à cause de l’allure qu’ils ont ou de la façon dont ils prient ou de qui ils aiment. Et pourtant, nous savons à quelle sorte de pensée dévoyée cela peut mener. Cela peut conduire à l’oppression, à la ségrégation, aux camps d’internement et à la Shoah et Srebrenica.
Aux États-Unis, nous nous sommes longtemps heurtés aux questions de race et d’intégration et nous le faisons encore. Et il nous reste encore beaucoup à faire. Mais nous avons progressé et cela a permis à quelqu’un comme moi d’être maintenant ici en ma qualité de Président des États-Unis. Et ce, parce que nous nous sommes engagés dans un idéal plus large, un idéal fondé sur une croyance –pas la race, pas la nationalité— un ensemble de principes, de vérités que nous tenons pour évidentes, à savoir que tous les hommes ont été créés égaux. Et maintenant alors que l’Europe est confrontée à des problèmes d’immigration, de religion et d’assimilation, je vous demande de ne pas oublier que nos pays sont plus forts, plus sûrs, et réussissent mieux lorsque nous accueillons et intégrons des personnes de toute origine et croyance et que nous leur faisons sentir qu’ils ne forment qu’un tout avec nous. Et cela inclut nos concitoyens qui sont musulmans.
L’entrée soudaine de si nombreuses personnes venues d’au-delà de nos frontières, particulièrement lorsque leurs cultures sont très différentes, peut être un défi considérable. Nous avons également des problèmes d’immigration aux États-Unis sur notre frontière méridionale et avec des personnes qui, arrivant du monde entier, obtiennent un visa et décident qu’elles veulent rester. Et je sais que les politiques de l’immigration et des réfugiés sont difficiles. Elles sont ardues partout, dans tous les pays. Et tout comme le fardeau de la réinstallation des réfugiés ne devrait pas être supporté par la poignée des pays voisins, il ne devrait l’être par un seul pays. Nous devons tous monter au créneau, nous devons tous partager cette responsabilité et cela inclut les États-Unis.
Mais alors même que nous prenons les mesures nécessaires pour veiller à notre sécurité, alors même que nous aidons la Turquie et la Grèce à gérer cet afflux dans la sécurité et avec humanité, alors même que la Chancelière Merkel et d’autres dirigeants européens s’attachent à organiser l’immigration et à réinstaller de façon ordonnée les immigrés, alors même que nous devons collectivement en faire plus pour investir dans le développement durable et la gouvernance des pays que les immigrés fuient afin qu’ils puissent réussir leurs projets et connaître la prospérité dans leur propre pays, et afin que nous puissions réduire les conflits qui comptent tant dans la crise des réfugiés dans le monde – la Chancelière Merkel et d’autres nous ont rappelé avec éloquence que nous ne pouvons pas tourner le dos à nos frères humains qui sont ici maintenant et ont besoin de notre aide maintenant. Nous devons défendre nos valeurs, pas seulement lorsque c’est facile, mais également lorsque c’est difficile.
En Allemagne, plus que n’importe où ailleurs, nous avons appris que ce dont le monde avait besoin, ce n’est pas d’édifier des murs en plus. Nous ne pouvons pas nous définir par les barrières que nous érigeons pour exclure les gens ou les empêcher de partir. À chaque croisée de notre histoire, nous avons progressé lorsque nous avons agi en fonction de ces idéaux éternels qui nous incitent à être ouverts aux autres et à respecter la dignité de chaque être humain.
Et je pense à tous ces Allemands et à tous ceux qui en Europe ont accueilli des migrants chez eux, car comme le disait cette femme à Berlin, « nous devions faire quelque chose ». Juste cet instinct humain d’entraide. Et je pense à ce réfugié qui disait : « Je veux apprendre à mes enfants la valeur du travail ». Cet instinct humain de voir la génération suivante garder espoir. Chacun d’entre nous peut être guidé par l’empathie et la compassion de Sa Sainteté le Pape François qui a déclaré que « les réfugiés ne sont pas des chiffres, ce sont des gens qui ont un visage, un nom, une histoire et qui doivent être traités comme tels ».
Je sais qu’il peut paraître facile pour moi de dire tout cela, moi qui vis de l’autre côté de l’océan. Et je sais que certains prétendront que je fais preuve d’un vain espoir quand je dis ma conviction que les forces qui assurent la cohésion en Europe sont en définitive bien plus puissantes que celles qui tentent de la faire éclater. Mais l’espoir n’est pas vain lorsqu’il s’enracine dans le souvenir de tout ce que vous-mêmes, vos parents et grands-parents avez déjà surmonté.
C’est pourquoi, je vous le dis, vous les Européens, n’oubliez pas qui vous êtes. Vous êtes les héritiers d’un combat pour la liberté. Vous êtes les Allemands, les Français, les Néerlandais, les Belges, les Luxembourgeois, les Italiens – et oui, les Britanniques—qui vous êtes élevés au-dessus des vieilles divisions et qui avez mis l’Europe sur le chemin de l’union.
Vous êtes les Polonais de Solidarnorsc, les Tchèques et les Slovaques qui avez mené la révolution de velours. Vous êtes les Lettons, les Lituaniens et les Estoniens qui se sont donné la main pour former une grande chaîne humaine de la liberté. Vous êtes les Hongrois et les Autrichiens qui avez cisaillé les frontières de barbelés. Et vous êtes les Berlinois qui, en cette nuit de novembre, avez fini par abattre ce mur. Vous êtes les habitants de Madrid et de Londres qui avez défié les bombes et refusé de céder à la peur.
Et vous êtes les Parisiens qui, sous peu, allez rouvrir le Bataclan. Vous êtes les habitants de Bruxelles, rassemblés sur une place couverte de fleurs et de drapeaux, et ce Belge qui a lancé ce message : « Nous avons besoin de plus ». Plus de compréhension, plus de dialogue, plus d’humanité.
C’est ce que vous êtes. Unis, ensemble. Vous êtes l’Europe, « unis dans la diversité ». Guidés par les idéaux qui ont éclairé le monde et plus forts encore quand vous ne faites qu’un.
Alors que vous allez de l’avant, vous pouvez être certain que votre plus grand allié et ami, les États-Unis d’Amérique, se tient à vos côtés, épaule contre épaule aujourd’hui et pour toujours. Parce qu’une Europe unie (qui n’était autrefois que le rêve de quelques-uns) reste l’espoir de beaucoup et une nécessité pour nous tous.
Traduction : Élisabeth di Constanzo - © Fondation Robert Schuman